Publiée le 1er  juillet 1834 dans la Revue des Deux-Mondes, la pièce figure la même année dans le volume Un spectacle dans un fauteuil (Prose), seconde livraison, à Paris. Remaniée par Paul de Musset, elle fut représentée pour la première fois à la Comédie-Française le 18 novembre 1861, après quelques démêlés avec la censure. À l'origine, la pièce est structurée en 3 actes et 18 tableaux (Paul de Musset les réduisit à 3 décors).

Résumé de On ne badine pas avec l’amour

Acte I (5 scènes). On assiste au retour dans le château paternel de Perdican, en compagnie de sim gouverneur Blazius. Ayant terminé ses études, il doit épouser sa cousine Camille, fraîche émoulue du couvent et chaperonnée par la prude et sèche dame Pluche. Camille reçoit froidement les avances de Perdican, qui, par dépit, courtise ostensiblement une jeune paysanne, Rosette.

Acte II (5 scènes). jalouse, Camille donne un rendez-vous à Perdican, où elle lui explique qu'une amie de couvent, religieuse à la suite d'une déception amoureuse, l'a prévenue contre l'amour les hommes. Perdican s'emporte contre cette attitude.

Acte III (8 scènes). Décidé à épouser Rosette, Perdican avoue cependant son amour à Camille, en présente de Rosette cachée et placée là par un stratagème de Camille.  SI les jeunes gens finissent pat reconnaître dans une chapelle leur amour mutuel, Rosette meurt derrière l’autel. Camille dit adieu à Perdican.

Commentaire de la pièce

Des personnages contrastés

On note d'abord une opposition entre un trio de jeunes gens et les grotesques, véritables fantoches. Cens de l'ordre et du château, le baron, père de Perdican, Blazius, le curé Bridaine, ces clercs pansus et la rugueuse dame Pluche composent un savoureux échantillonnage de ridicules et de défauts. Les jeunes gens évoluent dans un cadre bucolique, décor poétique où la nature complice semble offrir ses fleurs et le bonheur à ces êtres à l'orée de la vie. Mais l'oratoire substitue son atmosphère confinée à cette expansion, laissant présager un dénouement tragique.

Une autre différence oppose Perdican et Camille, jouant la prude, la coquette et la boudeuse, qui refuse de céder à l'entraînement du cœur, moins par caprice orgueilleux - encore que son orgueil joue un rôle certain - que par conception absolutiste de l'amour, et qui se réfugie dans l'amour du Christ, conception qui lui a été inculquée par des infirmes au cœur meurtri dans cette prison ou ce tombeau qu'est le couvent. De là la force symbolique de l'oratoire où s'épanchent les cœurs mais où est blessée à mort une innocente bafouée. En jouant avec l'amour, en oubliant la fragilité d'une Rosette impliquée malgré elle dans une querelle d'amoureux dépités, Perdican a tué, avec la complicité de Camille. Au poids mort des fantoches représentant une humanité rigide, ossifiée, s'ajoute donc celui des préjugés et de l'amour-propre, qui déterminent les erreurs fatales. Deux formes du mensonge s'additionnent dans un monde régi par la bêtise, où seuls le chœur des paysans - sorte de troisième groupe dramatique, de personnage collectif chargé du commentaire - et les moments d'échappée lyrique ou sincère apportent leur légèreté et leur fraîcheur.

 

 

On ne badine pas avec l'amour: entre comique et tragique

Le marivaudage tragique combine le sublime de l'amour qui ne demande qu'à s'épanouir et le tragique qui envahit peu à peu le IIIe acte, traduit notamment par l'intériorisation du drame chez ces «deux insensés [qui] ont joué avec la vie et la mort» (III,8). Si les fantoches, dépourvus d'âme, sont condamnés à la solitude de leur monstrueux égocentrisme et au comique d'un langage mécanique formé de clichés, Rosette est soumise à la fatalité. Jouet, instrument des amoureux, elle ne peut comprendre les sous-entendus, les conventions de la galanterie, les manipulations : figure ingénue de l'innocence, sa mort signifie aussi l'irrémédiable perte de l'enfance et des illusions. Elle laisse deux cœurs brûlés et probablement morts.

Si la mise en scène de la guerre des sexes répond aux préoccupations de Musset au sortir d'une grave crise sentimentale, elle permet un subtil contrepoint du comique et du tragique, remarquable exemple de la fantaisie du mélange des tons où excelle Musset, articulé selon une apparente juxtaposition des scènes. Toute marque d'une composition, cependant fort efficace et dont le rythme va s'accélérant, semble s'estomper. Les personnages vivants se prennent au piège des malentendus, que les marionnettes bouffonnes redoublent par leur stupidité. Le thème privilégié demeure l'erreur sur soi, sujet classique, qui, combiné à la version romantique du moi, éclaire le dénouement comme révélation trop tardive de la vérité des êtres, que leur jeunesse ne sauve pas.

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