Présentation de Micromégas de Voltaire

Rédigé en Prusse, Micromégas rappelle le Gulliver de Swift (1726) ou le Gargantua de Rabelais, et s'inspire aussi de Fontenelle. ce petit roman traite de manière plaisante le thème de la relativité universelle : vanité des spéculations métaphysiques; et, même dans le domaine scientifique, idée que notre connaissance, loin d'épuiser la réalité, reste toujours relative. Sa connaissance de Newton conduit Voltaire à utiliser dans ce conte scientifique la force nouvellement découverte, "l'attraction universelle", pour faire voyager à travers les espaces intersidéraux Micromégas, un géant haut de trente-deux kilomètres banni de sa planète, Sirius, à cause de son audace philosophique. L'allégorie de Micromégas s'insère dans une fiction complexe chargée de situer le phénomène humain et de donner à penser.

Voltaire (1694-1778) écrit le conte à Cirey sous le titre Voyage du baron de Gangan, aussitôt après la difficile rédaction des Éléments de la philosophie de Newton, « comme on se délasse d'un travail sérieux avec les bouffonneries d'Arlequin. Il conserve longtemps l'œuvre dans ses papiers, la remanie légèrement en 1750 à la cour de Berlin et lui donne l'aspect d'un divertissement mondain destiné à faire rire Frédéric II aux dépens de Maupertuis, qui conduisait en 1736-1737 l'expédition que le géant surprend sur la Baltique. Micromégas, publié en 1752 à Londres et à Berlin, puis introduit en France, renvoie aux préoccupations de Voltaire. En 1738-1739, le philosophe - influencé par le sensualisme de Locke, la science de Newton et l'optimisme de Pope, qu'il vient de célébrer dans Les Lettres philosophiques - éprouve pour la première fois le besoin d'exprimer sa conception du monde sous la forme d'une fiction. Zadig, rédigé bien après Micromégas, figurera les désillusions de l'écrivain qui ne croit plus à son idéal.

Résumé de Micromégas 

Micromégas (c'est-à-dire petit-grand)), habitant de Sirius, banni de la cour de son pays, voyage de planète en planète et arrive sur Saturne (chapitre. 1). Il converse avec le secrétaire de l’Académie sur l’infinie variété que le Créateur a mise dans le monde (chapitre 2). Le Sirien et le Saturnien décident de faire un voyage philosophique. Ils atterrissent sur le bord de la mer Baltique (chapitre 3). Ils font le tour du globe et disputent beaucoup. Le Sirien ayant cassé son collier, un diamant, microscope improvisé, leur permet d’apercevoir une baleine, puis le vaisseau emprunté par des philosophes venant du cercle polaire (chapitre 4). Ils observent les animalcules humains (chapitre 5), avec lesquels ils réussissent à lier conversation. Micromégas s’adresse à ces insectes qui se révèlent d’excellents mathématiciens (chapitre 6). Les hommes sont, hélas! possédés par une fureur meurtrière; seuls quelques savants acquièrent des connaissances utiles, mais tous déraisonnent sur la nature de l’âme. Micromégas leur promet de leur dévoiler le «bout des choses». C’est un livre qui ne contient que des pages blanches.

Analyse de Micromégas

En marge des travaux scientifiques de Cirey, Voltaire imagine un voyage de science-fiction qui, paradoxalement, a pour finalité la place de la Terre et de l’homme dans l’univers. Les voyageurs célestes ne se distinguent des humains que par leurs dimensions, 32 kilomètres pour le Sirien, 2 kilomètres pour le Saturnien, soit l’équivalent du nez du Sirien. C’est un «nain». L’un est doté de mille sens, l’autre de soixante-douze. Le premier a une espérance de vie de dix mille siècles, le second de cent cinquante. Indépendamment de ce gigantisme, ils vivent dans des sociétés semblables aux nôtres: Micromégas est exilé pour avoir hasardé des propositions jugées hérétiques par le muphti de Sirius; le nain de Saturne a pour maîtresse une fort jolie brune. Ils ne se distinguent pas par des capacités intellectuelles exceptionnelles. Ils se trompent dans leurs conjectures, surtout le Saturnien, coupable de présomption, et capable de généralisations abusives: ne voyant rien sur terre, il proclame qu’il n’y a rien; apercevant une baleine, il prétend que ce monde est fait pour les baleines. L’accès à la connaissance passe pour tous les vivants par les mêmes processus: examiner par degrés, expérimenter, vérifier. On reconnaît la méthode des essais et des erreurs prônée par l’Essai sur l’entendement humain de Locke. Pour se déplacer de planète en planète, ces géants se sont servis des lois de la pesanteur découvertes par Newton. Au terme de leur voyage, ils sont confrontés aux hommes. Ceux-ci sont vus selon une perspective diminuante: ces «insectes» ne sont perceptibles que grâce à un microscope. On instruit le procès de cet «assemblage de fous, de méchants et de malheureux» qui s’entretuent pour des querelles sans fondement. Ces infiniment petits ont un «orgueil presque infiniment grand». Une scène comique symbolise la faillite de l’anthropocentrisme: les géants s’esclaffent quand un animalcule en bonnet carré, un théologien, soutient que le cosmos a été fait pour l’homme. Ils laissent choir le vaisseau dans la poche de la culotte du Saturnien. Mais ces «mites», douées de raison, sont capables d’accéder à un savoir incontestable dans le domaine scientifique. Alors même que leurs spéculations métaphysiques sombrent dans le ridicule. Le livre tout blanc montre qu’elles sont inaccessibles à tous.

Dans ce déplacement intersidéral, point de place pour le merveilleux ou l’extraordinaire. La narration s’efface au profit de deux dialogues philosophiques, l’un entre le Sirien et le Saturnien sur la pluralité des mondes, l’autre sur la condition humaine. L’extrême disproportion des devisants illustre la relativité universelle: tous sont des micromégas, à la fois petits et grands; l’homme est à sa place dans l’échelle des êtres. Nulle place pour l’angoisse existentielle, nulle révolte contre la condition planétaire de l’humanité. Malgré les distances, la communication reste possible: d’où la griserie des espaces immenses où règne l’ordre voulu par le Créateur. Ce conte philosophique rabaisse le caquet des faux sages, mais respire une sorte d’allégresse.

C. MERVAUD

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