Défintion : qu'est-ce que le fantastique ?

Étym. : Du grec phantastikos, de phantasia (« imagination ») qui appartient à la famille du verbe phanein (« faire paraître »), duquel procèdent également, en français, fantôme, fantaisie, fantasme.

Déf. : On qualifie de « fantas­tique » une œuvre qui mêle le réel et l'imaginaire d'une manière si sur­prenante qu’elle aboutit à une indé­cision complète, le lecteur ne pou­vant trancher ni en faveur d’une explication rationnelle, ni en faveur d’une interprétation surnaturelle.

Héritage de la littérature européenne du XVIIIe siècle, le fantastique se développe au XIXe siècle parce qu’il rejoint, et révèle, certaines Incertitudes. On le définit comme l’intrusion du surnaturel dans le réel quo­tidien. Se développant avec le Romantisme, il coexiste avec le Réalisme.

Origine et développement du genre

Parallèle au rationalisme philosophique, est né, au XVIIIe siècle, un courant sensible qui s’intéresse à l’irrationnel. Le Diable amoureux, de Cazotte, en est une illustration. En même temps, ce goût pour le surnaturel et pour le rêve à tendance cau­chemardesque imprégnait la littérature romantique allemande et le roman noir anglais : pactes dia­boliques, apparitions démoniaques, phénomènes mystérieux. Le Romantisme français, Influencé par ces littératures, en a exploité les thèmes en réponse aux angoisses et aux Incertitudes du siècle : dis­parition des croyances religieuses, non-respect des traditions, modification des structures sociales. En contrepartie, l’Importance accordée à la sensi­bilité, au rêve, conduit des écrivains à aborder avec curiosité les frontières fluctuantes du réel. Après 1850, l’essor du Réalisme et le Naturalisme ne mettent pas fin à ces recherches : au contraire, elles contrebalancent les certitudes positi­vistes. Maupassant explique l’évolution du fan­tastique, en montrant qu’il doit être d’autant plus subtil que les certitudes humaines sont mieux fon­dées. Tout l’art de Poe et d'Hoffmann, écrit-il, consiste à jouer habilement sur la limite du possible.

Caractéristiques et thèmes du récit fantastique

Dans le récit ou le film fantastique, les personnages, ancrés dans le monde réel, voient intervenir des figures étranges et inquiétantes (vampire, spectre...) : c’est cette rencontre, angoissante et trou­blante, entre naturel et surnaturel, qui fait tout le charme du fantastique. Ainsi dans Le Horla (1887) de Maupassant, le narrateur - qui écrit son journal intime chez lui en Normandie, puis à Paris - perçoit une présence quasi diabolique à ses côtés : le lecteur ne saura décider s’il s’agit d’une hallucination (explication réaliste par la folie) ou d’une possession (explication par le surnaturel). Il faut donc distinguer le fantastique du mer­veilleux qui s’inscrit, lui, clairement dans l’univers du non-réel, à l’instar des contes de fées.

Au-delà du plaisir de l’angoisse, le fan­tastique se donne pour objet d’interroger tout ce qui échappe à la conscience claire, à la raison et au normal : il entre­prend de sonder les parts obscures qui nous hantent (la présence de la mort, les incertitudes liées au temps, l’univers du rêve, l’érosion des limites et des contours...). Des personnages comme Faust, Frankenstein ou Dracula sont devenus des références culturelles, nourrissant maintes analyses d’ordre philosophique ou psychanalytique. Le fantastique se donne comme une mise en question des évidences et des conventions, forçant avec audace les frontières du connu pour satisfaire notre besoin d’exploration de l’inconnu.

Un certain nombre d’éléments récurrents permet­tent de faire apparaître les caractères du fantastique.

  • Les apparitions et animations

Le fantastique est peuplé d’apparitions (formes indécises, spectres) et d’objets qui s’animent (une cafetière, un presse-papiers, des meubles...). Ces Indices visibles d’une vie « impossible » sèment le doute et l’angoisse. On trouve aussi le thème du double obsédant (Le Horla).

Une variante de l’animation est la résurrection, ou le vampire.

  • Le pouvoir magique de certains objets

Le talisman est un élément important. Balzac l’uti­lise dans La Peau de chagrin. Une peau magique semble capable d’exaucer tous les désirs du héros, en échange de sa vie. On en arrive ainsi au pacte.

  • Le pacte avec les puissances occultes

Thème majeur du Faust de Goethe, le pacte est un motif fréquent du fantastique. Un contrat passé avec des forces démoniaques garantit puissance, bonheur, éternité en échange de l’âme.

  • Les pouvoirs magiques des êtres

Il arrive enfin que certains êtres soient eux-mêmes, à leur insu, dotés de pouvoirs extraordinaires : double vue, prémonition, métamorphose ou... capacité de passer à travers les murs, comme le personnage de M. Aymé, au XXe siècle.

À travers ces différents thèmes, on perçoit que la littérature fantastique ouvre les portes d’un uni­vers d’« inquiétante étrangeté ». Elle est aidée en cela par l’utilisation de procédés qui relèvent de la structure et de l'écriture des récits.

L’écriture fantastique

  • Le récit à la première personne

Il est intéressant que les récits fantastiques soient écrits à la première personne. Le héros témoigne ainsi lui-même de ce qui lui est arrivé. Ce sont ses propres facultés qu’il met en cause. Le doute et l’incertitude n’en sont que plus forts.

  • L’insistance sur un état second

Beaucoup de situations favorables au fantastique sont associées à une sorte d’état second. Fatigue, fièvre, état d’ivresse, somnolence, drogues condui­sent le héros à la limite de la conscience, dans l'incertitude entre la veille et le sommeil.

  • Le contexte spatio-temporel

Ces précisions sont elles-mêmes génératrices de fantastique. Les lieux sont souvent les mêmes : endroits isolés, bords de rivière, maisons inhabi­tées, magasins d'antiquités. Le moment joue aussi un rôle important (crépuscule, nuit, minuit) ainsi que les conditions météorologiques (brouillard, pluie, tout ce qui brouille les données perceptibles).

  • Les figures de style

Les reconnaître permet de mieux analyser « l’écri­ture fantastique » :

  • les personnifications : elles soulignent l’anima­tion des objets ;
  • les comparaisons et les métaphores : elles révè­lent ou créent des analogies entre deux mondes ainsi que leurs interférences inquiétantes. Elles soulignent des phénomènes de métamorphoses. Associées au lexique de l’incertitude, elles font comprendre à quel point le fantastique relève de ce que Maupassant appelle le « somnambulisme lucide »

L’âge d’or de la littérature fantastique : XIXe- XXe siècles

Le XIXe siècle européen voit se dévelop­per un goût prononcé pour la littérature fantastique. En réaction au rationalisme des Lumières, la génération roman­tique a voulu donner sa place à la part d’irrationnel qui habite l’individu. C’est l’époque où « l’Europe commence à prendre ses rêves au sérieux », écrira Malraux. L'étrange, l’extraordinaire, le macabre, voire l'horreur se déploient dans des romans* et des contes : : Balzac, Gautier, Nodier, Mérimée et La Vénus d’Ille (1837) en France, Hoffmann et Tieck en Allemagne, Gogol en Russie, Poe et ses Histoires extraordinaires (1839) aux États-Unis ouvrent les portes du rêve et du surnaturel. Le critique R. Caillois peut ainsi affirmer : « Dans le fantastique, le surnaturel apparaît comme une rupture de la cohérence universelle. » 

Cette veine fantastique se prolonge au XXe siècle, à travers la littérature : La Métamorphose (1916) de Kafka, Fictions (1944) de Borges, Les Armes secrètes (1959) de Cortazar sont des récits à la fois inquiétants et envoûtants, qui explo­rent le monde et le Moi, en tant qu’ils échappent à la conscience claire. Par ail­leurs, le cinéma*, dès ses débuts, s’est emparé de l’univers fantastique, en adaptant les grands classiques (Murnau, Lang, Whale) : grâce aux effets spéciaux, il met en scène l’étrange pour faire naître l’angoisse.

Enjeux contemporains : art et société

Mêlant fantastique et science-fiction, les séries télévisées et les publica­tions flattent le goût du public pour le paranormal et le mystère. Cet engouement actuel refléterait la crise des valeurs* dans la société, méfiante envers la science* et le progrès*, inquiète face aux incertitudes du présent.

Ouvrages théoriques sur le fantastique: 

R. Caillois, Antho­logie du fantastique, Gallimard (1977).

T. Todorov, Introduction â la littérature fantastique, Seuil (1970). 

Oeuvres à lire:  

 Balzac, La Peau de chagrin (1831). Nerval, Aurélia (1855). 

Films fantastiques  :  

Hitchcock, Les Oiseaux (1963).

Polanski, Le Bal des vampires (1967).

Kubrick, Shining (1980).

W. Craven, Scream (1997).