FANFAN. Roman d’Alexandre Jardin (né en 1965), publié à Paris chez Flammarion en 1990.
Résumé de Fanfan
Désireux de ne pas imiter l’inconstance de ses parents, Alexandre Crusoé décide, au sortir d’une enfance heureuse, de prôner la chasteté en amour. Quand il rencontre Laure de Chantebise, il lui jure une fidélité éternelle (chap. 1). Alexandre se réfugie volontiers dans sa «vraie famille», Monsieur Ti, quatre-vingt-un ans, et Maude, quatre-vingt-sept ans, modèles de longévité et de fidélité. Dans leur hôtel au bord de la mer il fait la connaissance de leur petite-fille, Françoise dite Fanfan, espiègle et spontanée, dont il tombe aussitôt amoureux (2). Mais il résiste à la tentation de la posséder, et n’écoutant que sa raison, prend le parti d’épouser Laure (3). Dans le même temps il loue une chambre d’hôtel face au studio de Fanfan afin d’espionner l’objet de ses désirs inassouvis. Après s’être résolu au divorce avec Laure (4), Alexandre cède à Fanfan, et tous deux convoleront en justes noces (Épilogue).
Analyse de Fanfan d'Alexandre Jardin
Roman conjugal à la Chardonne sur les différentes manières d’assurer la durée du couple, roman d’apprentissage, roman courtois régi par un code de l’honneur: de ce mélange (involontaire?) des genres Fanfan tire son aspect avant tout farcesque. Le ton badin de la langue incorpore les archaïsmes («Je dépensais tout mon esprit pour la bien courtiser»), les références classiques au «cœur» («Mon cœur accaparait mes pensées») ou à la «conduite» («Saurai-je conformer ma conduite à ma détermination?») et les citations déguisées. Car l’auteur de Fanfan aime les allusions culturelles (Alexandre et Fanfan se jouent des scènes entières de Roméo et Juliette) autant que les clins d’œil autobiographiques (mention est faite du père et du grand-père de l’auteur au travers de Pascal et Jean Crusoé). Toute liberté est ainsi donnée à une imagination malicieuse et d’une sage audace: on apprend que Robinson Crusoé, avant d’aborder à son île, avait laissé un fils, William, dont descendrait le narrateur du roman; les situations cocasses (Monsieur Ti publie régulièrement l’annonce de sa mort future dans les pages nécrologiques du quotidien régional) succèdent aux décors les plus inattendus. Dans ce récit linéaire et de facture traditionnelle, l’action reste cependant secondaire et mise au service d’une démonstration sur l’alchimie amoureuse. Comment préserver une passion à l’état naissant? Comment emprisonner la femme qu’on aime dans un éternel amour sans jamais lui céder? Telles sont les données d’un problème que le narrateur — qui rêve de sauver l’amour en ne le faisant pas — se propose de résoudre dans ce sobre éloge de l’abstinence. Il y parvient grâce à Fanfan: «J’espérais en l’espérance, certain que nous serions ainsi le premier couple à s’aimer de passion pendant un demi-siècle, à ne jamais composer avec le quotidien.» Au rebours d’une tradition romanesque de la précarité du couple, cet épithalame qui prêche la primauté des sentiments sur les sens, cette défense et illustration de valeurs considérées comme désuètes (le mariage, la chasteté) remporta un succès public considérable.
Gourvennec, in Dictionnaire des oeuvres de langue française.