Nana est un roman de l'auteur naturaliste français Émile Zola. Achevé en 1880, Nana est le neuvième volume de la série en 20 volumes des Rougon-Macquart.

Résumé de Nana de Zola

Nana, fille de Gervaise et de Coupeau (voir L’Assommoir), fuit un soir d’hiver le taudis de ses parents alcooliques pour aller vivre sur le trottoir. Remarquée pour sa beauté sulfureuse, elle est bientôt embauchée par Bordenave, le directeur du théâtre des Variétés, non en raison de ses talents, mais pour l’at­trait sensuel qu’elle exerce, notamment dans son numéro intitulé « La blonde Vénus ». Elle triomphe dans son rôle et tous les hommes s’entichent d’elles, ce qui lui permet de mener grand train avec l’assentiment de son amant Daguenet, à l’opposé des Muffat, engoncés dans les rigueurs de l’étiquette aristocratique. Elle donne ainsi un fastueux repas auquel sont conviés tous ces messieurs (le banquier Steiner, Mignon et sa femme Rose dont il gère la « carrière » en parfait proxénète, le comte de Vandeuvres, le journaliste Fauchery) et ses amies comédiennes débau­chées ; entretenue par Steiner, puis par le prince d’Écosse venu la voir au théâtre, elle exerce une irrésistible attraction sur un Muffat que la sensualité de la jeune femme jette dans les affres d’une passion dévorante.

Or, Steiner a payé une maison de campagne à Nana, la Mignotte, autour de laquelle viennent rôder tous ses adorateurs, sous le prétexte d’une visite à Mme Hugon. Georges, son plus jeune fils, devient à cette occasion l’amant de Nana ; Muffat, d’abord éconduit, possède enfin, à son tour, la jeune femme. Celle-ci, piquée par son mépris, lui révèle que sa femme Sabine le trompe avec Fauchery, plongeant Muffat dans une folle jalousie dont il ne peut néanmoins s’assurer le bien-fondé. C’est alors que Nana rompt avec cette vie pour s’installer dans un petit meublé avec Fontan, le comédien comique du théâtre des Variétés ; mais celui-ci se révèle rapidement avare, puis violent, contraignant la jeune femme à se prostituer pour nourrir le ménage.

C’est dans ces conditions qu’elle retrouve Satin, une catin qu’elle avait jadis connue, qui partage ses soirées sinistres au dernier stade de la débauche, vendue pour quelques sous, jus­qu’à une descente de police à laquelle elle échappe de justesse. Avec le soutien de Muffat toujours aussi aliéné, elle renoue alors avec son ancienne existence et reprend un rôle aux Varié­tés, puis s’installe dans un luxueux hôtel de l’avenue de Villiers, où son train de vie égale celui des plus grandes fortunes. Entre­tenue par Muffat, amante de Vandeuvres et des deux frères Hugon, Georges et Philippe, elle s’entiche de Satin qu’elle a retrouvée et, bientôt, ses relations homosexuelles sont acceptées de tous ses amants. Arrive le jour du Grand Prix hippique, der­nière occasion de se refaire pour un Vandeuvres ruiné ; au prix d’un trafic, celui-ci parvient à faire gagner son outsider nommé Nana, mais la supercherie est découverte et il se suicide avec ses chevaux.

L’action s’accélère : Nana ruine, par ses exigences capricieu­ses, tous les hommes qui l’approchent, humiliant Muffat, et poussant au suicide le petit Georges qui a découvert qu’elle cou­chait avec son frère, bientôt emprisonné pour avoir détourné de l’argent afin de la satisfaire. Enfin, Muffat surprend son beau- père le marquis de Chouard chez Nana, et, désespéré, quitté par Sabine ayant pris goût à la débauche, s’enquiert sur un banc des nouvelles de Nana malade, en compagnie des anciens amants de la jeune femme. Celle-ci, après avoir tourné la tête de plusieurs hauts personnages d’Europe et d’Égypte, est en effet revenue à Paris pour mourir de la vérole au Grand-Hôtel, alors que réson­nent dans les rues de Paris les cris de ceux qui vont bientôt mou­rir à Sedan : « À Berlin ! À Berlin ! ».

Analyse de Nana de Zola

► Peinture d'un milieu.

Fidèle à sa technique de composition, Zola suscite l’émer­gence de tout un monde à partir du traitement d'un personnage plongé dans un milieu donné et soumis à l’enchaînement logique des faits impliqués par le cadre de son existence ; l'expérience romanesque, pour reprendre un terme que Zola utilise en réfé­rence à C. Bernard, élit cette fois la courtisanerie pour sujet. Or, le déterminisme mis en scène tient tout d’abord au milieu galant qu’il dépeint avec force détails, en restituant notamment l’am­biance du célèbre théâtre des Variétés : le lecteur devient ainsi un spectateur privilégié qui assiste aux représentations, mais accède surtout aux répétitions et au monde des coulisses, c’est-à- dire à ce que Balzac nommait « l’envers du décor », selon un mouvement emblématique de la volonté de dévoilement que se propose le roman. Traversant le plan vertical de l’illusion scé­nique, Zola permet au regard de saisir une profondeur qui révèle la réalité des bas-fonds derrière la représentation, saisissant le théâtre comme une mise en scène du fonctionnement même de la société en autant de rouages vermoulus qui présentent celle-ci comme une mécanique en perdition. Il désacralise par là le mythe romantique de la grisette en décrivant de la manière la plus crue le monde de la prostitution.

► La visée morale.

Or, il est clair que l’itinéraire de Nana participe d’une dénon­ciation de la société brillante du Second Empire : née en 1851, l’année du coup d’État de Napoléon III, et mourant en 1870 à la veille de la chute de l’Empire, Nana constitue l’émanation, l’in­carnation de cette société qui va bientôt sombrer comme elle, puisqu’elle s’éteint le jour même de la déclaration de guerre aux Prussiens. Une déchéance est amorcée, d’abord révélée par de subtiles failles (le sofa rouge de Sabine, les verres brisés lors du Grand Prix), puis s’accélérant peu à peu, selon un mouvement crescendo qui ne laissera que mines. Le personnage principal renvoie donc à la société qui l’a engendré et qui l’adule son image dépravée, soigneusement dissimulée derrière le paravent luxueux dont le texte signale les fissures (voir l’article de Fau- chery, au titre emblématique : « La mouche d’or ») ; Zola dénonce ainsi, par l’intermédiaire de son personnage, ce que l’on a nommé la « fête impériale », société de plaisirs dissimulée der­rière un ordre moral qui s’écroulera comme un décor de carton- pâte sous la poussée guerrière.

Conçu comme un pendant à L’Assommoir qui constatait la « désorganisation d’en bas », Nana fustige ici la « désorganisation d'en haut » par la débauche des milieux dorés, achevant de dénoncer le dysfonctionnement généralisé du système social. Pro­venant d’un milieu en complète déliquescence, Nana est par avance condamnée, mais elle pourra toutefois auparavant venger les siens par son sexe, en déshonorant et ruinant ceux-là mêmes qui avaient précipité la mort des gens de sa classe. Car c’est en effet moins Nana que son corps qui figure au centre d’un texte qui se définit comme un roman du désir et de sa puissance délétère.

► Le roman du corps.

Dans son Ébauche, Zola concevait en effet le roman qu’il projetait comme « le poème sinistre des amours du mâle » et d’ailleurs aussi bien de la femme (voir à ce titre les relations troubles entre Nana et son amie Satin) : c’est dire que se mani­feste ici l’intuition d’une toute-puissance du corps en l’homme, même si ce constat prend le tour d’une condamnation. Il n’en reste pas moins que Nana représente, selon les termes de Zola, « la chair centrale », emblème paroxystique de la femme telle que la conçoit le romancier, soumettant absolument l’homme par l’attraction irrésistible de son sexe dévorateur : ce n’est plus la courtisane, sujet pittoresque des générations romantiques, qui est dépeinte ici, mais la femme-monstre, décrite avec le regard clinique du narrateur sans concession. Investie de cette omnipo­tence, Nana symbolise l’énergie vitale et destructrice de la matière, cette dynamique conjuguant un principe de vie et un prin­cipe de mort - Eros et Thanatos - qui constitue pour Zola un des avatars majeurs de la loi d’entropie qui régente l’existence (voir sa joie de détruire et de souiller). En cela, le personnage acquiert une dimension mythique, et presque divine par son sexe fétichisé, qui lui confère une place éminente parmi la cohorte des femmes fascinantes et perverses qui épuisent l’énergie de l’homme, telles Ève, Circé ou Salomé ; elle demeure néanmoins située dans une perspective historique précise qui en fait un ins­trument de l’Histoire, corps dévoué à la loi suprême d’un Désir qu’elle incarne mais qui la dépasse et l’utilise afin d’effondrer une société déjà minée de l’intérieur.

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