Malgré les possibilités étonnantes que l'approche connexionniste laisse entrevoir pour tout ce qui a trait à l'intelligence artificielle, les spécialistes ne savent pas encore créer des machines aussi sophistiquées que le cerveau humain. Néanmoins, les caractéristiques propres aux réseaux neuronaux artificiels ont des implications importantes sur de nombreux autres systèmes. C'est ainsi que les chercheurs ont émis une théorie des systèmes appelée parfois complexité.

 

1. L'effet papillon

On parle de complexité lorsqu'un système comprend tellement de facettes connectées les unes aux autres de différentes manières qu'il est quasiment impossible de les analyser individuellement et de les expliquer selon des procédures traditionnelles. Vous ne pouvez pas dire comment fonctionne un système complexe en vous contentant d'extraire les divers composants pour les analyser individuellement. Cette impossibilité est la principale différence entre un système complexe et un système ordinaire.

En effet, c'est le nombre et la variété des interconnexions entre tous les éléments d'un système qui font que ce système est complexe. Or, ces interactions changent souvent de manière imprévisible. Il arrive qu'une fonction se déroule d'une certaine façon puis d'une tout autre façon à un autre moment. En fait, dans un système complexe, le moindre petit événement imprévisible peut donner lieu à une succession d'événements plus importants qui rendent impossible la compréhension du mode de fonctionnement dudit système. Ce phénomène est baptisé « effet papillon ». En théorie, un battement d'aile de papillon au Brésil suffit pour modifier la direction du vent et la pression atmosphérique et pour déclencher une tornade au Texas !

 

2. Une complexité virtuelle

Le cerveau humain n'est qu'un système complexe parmi d'autres. La météorologie, les écosystèmes, les êtres vivants, la Bourse, les langages quels qu'ils soient sont autant de systèmes complexes. Ces systèmes sont constitués d'éléments organiques et d'éléments non organiques. Celles et ceux qui planchent sur la théorie des systèmes vont tout mettre en œuvre pour tâcher de modéliser un système complexe. En règle générale, ils essaient d'étudier les systèmes en mettant en place des modélisations informatiques avec l'espoir d'en extraire des informations sur le fonctionnement de ces systèmes. Or, modéliser un système complexe n'est pas simple car nul ne peut prévoir ce gui peut se passer ; le facteur « imprévisible » est omniprésent. Les spécialistes en théorie des systèmes essaient de travailler avec des algorithmes (formules mathématiques) grâce auxquels leurs modélisations peuvent être réalisées au plus près de la réalité. C'est ainsi qu'apparaissent des logiciels simulant les fluctuations boursières, la manière dont se déplace un banc de poissons ou l'évolution des espèces par le biais de la sélection naturelle.

En fait, ce qui est merveilleux avec la théorie des systèmes, c'est qu'on peut l'appliquer pratiquement à tous les domaines. Des chercheurs d'horizons divers y voient un outil formidable. C'est d'ailleurs ce qui fait le grand succès de cette théorie. Certains pensent qu'elle pourrait nous permettre de comprendre les relations entre les différents éléments de l'Univers, du big bang aux retours sur investissement en passant par les papillons... (Je schématise, mais notre besoin de rendre les choses compréhensibles nous conduit parfois à surinvestir certaines théories.) Une chose est sûre, cependant : la théorie des systèmes permet d'établir des passerelles entre les sciences naturelles (biologie, physique, chimie, etc.) et les sciences sociales (sociologie, économie, psychologie, etc.).

À côté des inconditionnels, certaines personnes plus prudentes demandent à voir. Car il y a un gouffre entre la réalité et les possibilités de modélisation permettant de comprendre cette réalité. De manière empirique, dans la mesure où des modélisations différentes aboutissent aux mêmes résultats, on peut se demander si telle modélisation qui semble reproduire tel système précis est vraiment valide puisqu'une autre modélisation peut y parvenir aussi. Il est donc difficile aujourd'hui de tirer des conclusions définitives sur les relations entre les systèmes et leurs modélisations ou sur les relations entre les différents systèmes.

 

3. Des systèmes organisés

En dépit des incertitudes et des difficultés rencontrées, la théorie des systèmes laisse entrevoir d'énormes possibilités. Les systèmes complexes ont l'avantage d'être extrêmement bien organisés. Ils prennent forme et évoluent non pas en fonction d'éléments extérieurs ou parce qu'ils ont été conçus de telle ou telle manière, mais parce qu'ils tiennent compte des différentes interactions entre les éléments propres au système. Ce que l'on ne peut pas reprocher aux systèmes complexes, c'est leur manque d'organisation !

Moins un système est stable, plus il est organisé, jusqu'à ce qu'il ne fonctionne plus. À l'inverse, moins un système est organisé, plus il est stable, et plus il risque de se verrouiller. Les systèmes réussissent donc à trouver un équilibre entre la stase (l'arrêt) et l'instabilité critique. Or, l'organisation d'un système ne dépend pas d'un seul élément. Les systèmes complexes ont tendance à conserver leur organisation dynamique même lorsque certains éléments changent ou cessent de fonctionner ou lorsque l'environnement se modifie de manière significative. Autrement dit, le systèmes complexes s'adaptent.

Cette propriété, appelée « récursivité », caractérise le degré d'interconnexion entre les différents éléments d'un système. Sont considérés comme des interconnexions les boucles de rétroaction et les canaux de bifurcation, qui augmentent considérablement le potentiel du système, lequel peut alors mieux réagir quand l'environnement change de manière inopinée. Les systèmes complexes sont souvent si récursifs que certains éléments servent de sauvegarde quand d'autres cessent de fonctionner. C'est ce qui permet au système de continuer à marcher...

La récursivité remplace désormais les explications de la science traditionnelle fondées sur les relations de cause à effet. En fait, les spécialistes de la théorie des systèmes ne cherchent pas des causes isolées susceptibles d'expliquer ce qui se passe mais ils essaient d'avoir une vue d'ensemble en gardant à l'esprit que les différents éléments peuvent changer, s'améliorer ou se dégrader au fil du temps. Ce sont ces changements qui font que les systèmes complexes sont importants, car ils laissent entrevoir nombre de possibilités pour résoudre des énigmes scientifiques et philosophiques, comme toutes les questions ayant trait à la pensée, l'apprentissage et la mémoire, mais aussi des interrogations portant sur les origines de la vie, l'adaptation des espèces et l'évolution des êtres vivants. Sans oublier la Bourse... cela va de soi !

Jay Stevenson

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