Fiche sur la parole et la vérité dans les oeuvres au programme

I- Marivaux: dire la vérité et parler vrai

1. La parole comme lieu de tromperie

La pièce de Marivaux repose sur une intuition forte la parole est le lieu de toutes les tromperies. Le mensonge, le secret, la simulation n’existent que par le biais d’une parole d’autant plus lourde de conséquences qu’elle peut prendre ses distances avec la vérité. Son pouvoir est celui du masque: il montre et cache à la fois; il peut se faire passer pour la vérité ou faire croire qu’il y a une autre vérité. Ce masque est d’autant plus puissant, qu’il est trop souvent pris pour la vérité elle-même. L’épisode de la boîte (II, 9) illustre parfaitement cette problématique de la parole comme masque.

2.Sincérité, mauvaise foi et révélation

L’intrigue de la pièce repose sur le jeu de la sincérité et du mensonge. Chaque personnage veut dissimuler ses pensées et percer à jour les tromperies des autres. Dans un monde où chacun ment, y compris soi-même, il est particulièrement difficile de savoir qui est sincère, et quand. Le problème est redoublé par le fait que chacun peut se mentir à soi-même et faire preuve de mauvaise foi : Araminte espère ainsi détourner Dorante d’elle en... le gardant à ses côtés (I, 16). D’un autre côté, la vérité des sentiments peut se révéler dans la parole, et c’est malgré elle qu’Araminte avoue qu’elle aime Dorante, avant de l’assumer sciemment et publiquement.

 3.La valeur de la vérité

On pourrait penser que pour l’homme, la vérité est une valeur en soi, que nous voulons dire et savoir la vérité. Peut-être est-ce le cas, puisque Dorante finira par tout ‘avouer. Et pourtant, n’est-ce pas la peur de perdre l’amour qui le pousse à avouer? Et lui qui s’indignait de voir Marton préférer l’argent à la vérité, ne préfère-t-il pas l’amour à la vérité? Avant d’atteindre la vérité, il faut pouvoir compter sur la sincérité de l’autre, et c’est donc la confiance qui est la première des valeurs mises en jeu dans la parole.

Passages clés: I,6; I,10; I, 11; I, 16; II,2; III, 12

 

 II.  Platon: pas de bonne parole sans amour de la vérité

1. Les illusions de la rhétorique

Socrate commence par marquer nettement la distance entre le discours intéressé par la vérité et celui qui s’en tient aux apparences. Alors que la vérité est la norme première de l’usage philosophique de la parole, la vraisemblance est la norme de la rhétorique. Cette dernière n’a aucun égard pour la vérité : son but est de produire la croyance des individus ou des foules par l’usage de toutes les ressources offertes par le langage. Ce manque de respect pour la vérité est un motif suffisant pour condamner la parole rhétorique ou sophistique : dans la hiérarchie des âmes humaines, le rhéteur vient juste avant le tyran.

2. La primauté de la vérité sur l’efficacité

Mais Socrate affine sa critique de la rhétorique en notant que le bon rhéteur, s’il veut être sûr de ses effets, doit au moins savoir un minimum de choses. Comment pourrait-il persuader s’il ne connaissait pas bien la vérité des choses, s’il était ignare en psychologie et inapte à utiliser toutes les ressources du langage? Il y a donc deux usages de la parole, même chez le rhéteur: selon qu’on possède ou non la vérité, la parole sera ou non efficace,

3. La philosophie comme parole qui vise la vérité

Pour Socrate, seule la pensée peut être vraie. La vérité n’est atteinte que si l’on est capable de refaire le chemin qui prouve une proposit parole philosophique : parole écrite qui permet à la mémoire de reprendre pied; parole orale qui, par le dialogue, permet à l’individu d’accoucher de la vérité qu’il abrite parfois sans le savoir. Ce qui est donc important pour la parole, c’est qu’elle soit le fait d’une pensée active et motivée par le seul amour de la vérité.

Passages clés: 247c-249c; 248d-e; 259e-260e; 261e-262e; 264c-264d; 268a-269d ; 272d-273a; 274c-275c; 276a-d

 

III.  Verlaine la vérité supérieure de la parole poétique

1. La vérité intime proche de l’ineffable

En promettant ries « romances sans paroles », Verlaine promet des émotions, des pensées dégagées d’une parole qui se présente alors comme un carcan. La parole serait mortifère, anesthésiante pour la pensée émue du poète. Bien entendu, ce n’est pas la vérité scientifique qui est ici visée et qui justifie que l’on écarte les paroles. C’est au nom de la vérité des sentiments, de l’expérience vécue qu’il faut s’éloigner du langage. C’est la vérité intime qui est désignée comme une forme d’ineffable. Pourtant cette vérité trouve bien une façon d’être dite, puisqu’elle aboutit à ces poèmes qui lui donnent sens.

2. Parole poétique et paroles prosaïques

Ce n’est donc pas la parole en tant que telle qui est mise à l’écart, mais un certain usage de la parole, prosaïque. C’est le langage dans ce qu’il a de commun, de quotidien. Si des poèmes peuvent être dits sans paroles, c’est qu’il y aune parole qui se rapproche de la musique, art réputé le plus proche de la pensée émue parce qu’il retranscrit les mouvements du cœur et non la grammaire de la pensée rationnelle.

3. La parole de l’incertitude et de la nuance

S’il y a une vérité de la parole poétique pour Verlaine, c’est dans la mesure où elle atteint sa propre limite, arrivant à signifier et à fixer dans des mots ce qui n’a pas de contour très défini. Le poème est un pari risqué où il s’agit de donner forme sensible à ce qui est senti comme à la limite de l’informe. Comment en effet être fidèle à une vérité qui est de l’ordre de l’incertain, si ce n’est en poussant le langage vers tout ce qui lui fait perdre ses apparences de certitude? Les interrogations, les confusions permettent de faire vaciller les identités et de mettre en avant le goût des apparences confuses qui est celui des Romances sans paroles.

Passages clés:  Ariettes I, III, ig Vii, VIII; «Chaleroi » Birds in the night

Extrait de La parole 20 fiches sur lles oeuvres au programme, H&K 2012