Présentation générale de L'âge d'homme de Michel Leiris

Michel Leiris nous livre dans L'âge d'homme son portrait détaillé et sans concession. Son activité principale était la littérature.

Attachant une certaine importance à l'érotisme, il a le dégoût des femmes enceintes et des nouveau-nés. Il ressentait, dans le vieillissement malaise et tristesse, associant l'amour à la mort.

L'auteur s'attachera à nous présenter « sa descente aux enfers », le passage de la jeunesse à l'âge mûr ou comment le héros passe tant bien que mal du chaos de l'enfance à l'ordre féroce de la virilité. Il entreprend auparavant la métaphysique de [son] enfance :

Vieillesse et mort : Dans ses plus jeunes années, la mort signifiait « aller au ciel » et était caractérisée par « le passage au repos du cimetière, à la double vie du paradis ». Il lui associait le cadavre et le suicide.

Le suicide d'un radjah avec ses femmes au milieu d'un incendie, figurant dans le supplément illustré d'un quotidien, lui octroya la représentation du suicide.

Plus globalement, l'image matérialiste de la mort, lui permit de prendre connaissance du vieillissement. Il s'agissait pour lui d'une succession d'étapes, à l'image de celles qu'il vit dans un album intitulé les couleurs de la vie et dont il ne se souvient que du « méli-mélo » immortalisant le stade natal ou chaos du premier stade de la vie, et des couleurs de la maturité, à l'image du marron cuit qui représenté des ivrognes.

Surnature : Parmi les grandes énigmes de son enfance figuraient celle de la naissance et le mécanisme de la décente des jouets de Noël à travers la cheminée. Leurs révélations lui permirent d'atteindre une sorte de majorité, confondue avec l'âge de raison.

L'infinie : À l'âge de 10 ans, il acquit la notion d'infinie par l'intermédiaire de mises en abymes d'une paysanne, représentée sur une boite de caco.

L'âme : Enfant, Leiris identifiait l'âme à un colifichet – sorte de pâtisserie sèche et légère que l'on donne à manger aux oiseaux tenus en cage – un corps solide, fait d'une matière peu consistante, sans poids et logée dans un repli quelconque du crâne.

Le sujet et l'objet : Comme tout enfant, le monde était circonscrit en lui et la nature n'était que prétexte à méfiance.

A 6-7 ans, l'auteur de L'âge d'homme fut en proie à sa première érection en voyant un groupe d'enfants vêtu de haillons grimper pieds nus à des arbres. Il conclut à une bizarre coïncidence entre son sexe et ce qu'il vit. Ce fut aussi pour lui la soudaine entrée en scène du monde extérieur.

Résumé du chapitre 1 : "Tragiques"

Ce premier chapitre de L'âge d'homme débute par un extrait de Goethe, Faust.

L'enfance de Michel Leiris fut bercée par le spectacle, le théâtre et l'opéra. Il assista dès sa deuxième année à de nombreuses productions du répertoire et prenait plaisir à écouter les récits que sa sœur faisait des pièces qu'elle avait vues.

Sa vision infantile lui faisait croire qu'à chaque représentation de Paillasse, l'acteur principal poignardait effectivement sa partenaire.

Michel Leiris manifesta dès son plus jeune âge un goût très prononcé pour le tragique, les amours malheureux et tout ce qui finissait d'une manière lamentable, dans la tristesse ou dans le sang.

Par ailleurs, l'auteur affectionnait particulièrement les rôles de « souffre-douleur », ce qui révèle un trait de son caractère.

Il développa de bonne heure des images symboliques de la Femme, telle Sainte Geneviève, Jeanne d'Arc, Marie-Antoinette...

Résumé du Chapitre 2 : "Antiquités"

Ce deuxième chapitre de L'âge d'homme débute par un rêve de Michel Leiris, où de charmantes diseuses de bonne aventure se révèlent être des vampires.

L'auteur était séduit par les allégories, leçon par l'image en même temps qu'énigmes à résoudre, et souvent attirantes figures féminines tel « Belle comme le mensonge ». Cette attitude témoignait de son habitude de penser par des formules, analogies et autres images.

Leiris évoque son admiration pour les œuvres de Cranach et plus particulièrement pour Lucrèce et Judith, une œuvre antique, fine, légère et érotique.

Femmes antiques : L'auteur confère à tout ce qui est antique un caractère voluptueux. Courtisane fut l'un des premiers mots auxquels il accorda une valeur érotique. Vers 11-12, il se masturbait en s'imaginant être « courtisane ».

Femme de preux : Leiris nous présente le souvenir qu'il avait d'une gravure où figurait Roland et Olivier, musclés, torses nus et vêtus de leur cuirasse, et d'où semblait se dégager une odeur de bronze mouillé de sueur.

Sacrifices : « Sacrifice » est pour l'auteur un mot mystique. À l'âge de la puberté, il s'amusait avec l'un de ses camarades à célébrer le culte de divinités païennes de leur invention, tel Baïr, dieu de l'alcool ou Castles, dieu des cigarettes « Three Castles ». Au cours de l'une de ces cérémonies rituelles, ils terrorisèrent sa petite nièce de manière enfantinement sadique, y mêlant érotisme et peur. Leiris révéla ainsi son goût pour la dureté et sa hantise du châtiment.

Lupanars et musées : Suite à un rêve érotique, il associa détroit à ravin des fesses. Le musée était pour lui érotiquement aussi puissant que l’antiquité : « rien ne [lui [paraissait] ressembler autant à un bordel qu'un musée ». Ce fut son frère qui lui révéla l'existence du bordel. Il comprit « portel » à la place de « bordel », ne manquant pas d'y associer l'idée d'une porte et d'un hôtel.

Le génie du foyer : Leiris apercevait parfois sa mère se déshabiller et prenait plaisir à la regarder ainsi. L'image qu'il garda d'elle était telle qu'il la voyait en chemise de nuit et nattes derrière le dos. Il trouvait un certain plaisir à être malade, jouissant de l'inquiétude et de la pitié de ses parents ; Il était en quelque sorte le personnage central du drame qui se jouait généralement tout proche de la salamandre ou « Radieuse », sorte de pompe à chaleur, véritable personnification du foyer domestique.

Don Juan et le commandeur : L'auteur avait un soin fétiche pour ses livres, et plus particulièrement pour deux d'entre eux que sa mère lui offrit, un Racine et un Molière. Don Juan était la seule œuvre de Molière qu'il ne détesta point.

Résumé du chapitre 3 : "Lucrèce"

Ce chapitre débute par un article sur Lucrèce, héroïne romaine, chaste, qui lave dans le sang, par son suicide, la souillure d’une action érotique, la honte d’avoir été violée.

Pour l’auteur l’acte sexuel est un « terrain de vérité ». Il est fervent des courses de taureaux car plus qu’au théâtre, on assiste à quelque chose de réelle, un sacrifice où le sacrificateur est menacé de mort.

L’auteur de L'âge d'homme voit la corrida comme un drame, avec son héros, son meurtre, ainsi que ses codes et ses coutumes. Il évoque le lien entre corrida et religion sans manquer de noter que le cérémonial actuel ne peut être interprété comme la survivance d’un culte.

Ayant déjà vu six courses de taureaux, dont deux le même été à Victoria et à Valence, l’essentiel n'est pas pour lui le spectacle, mais le coté sacrificiel.

Mon oncle l’acrobate : Leiris évoque un oncle maternel que sa mère accueillît suite à une fracture du poignet.

Issu d’une famille bourgeoise-puritaine, fils d’un haut fonctionnaire de la police, il fut acteur de théâtre-français devenu acteur de mélodrames reconverti chanteur de café-concert puis jongleur de cirque. Un parcours jugé comme une déchéance pour son entourage. Il eut une certaine influence sur l'auteur. Toute sa vie il rechercha ce qui pour d’autres n’était qu’un abaissement. Il mourut un an avant son père, un jour ou il neigeait.

Yeux crevés : L’auteur a le dégoût de la sensation d'« œil crevé ».

Fille châtiée : En classe de huitième, au cours de la représentation d'une pièce religieuse sur la naissance du Christ, l’auteur fut en proie aux troubles que lui suscitaient l’antiquité lorsqu’une jeune actrice jouait le rôle d'une condamnée à mort. À 17 ans, pendant la guerre, préparant son second baccalauréat dans une école « bienpensante », il fut plusieurs fois menacé de renvoi au motif qu’il incitait ses petits camarades à se saouler plutôt qu’à travailler. Il réussissait cependant à reconquérir le directeur en prétendant notamment qu’il irait s’engager.

Sainte martyrisée : L’auteur se souvient de l'histoire d’une jeune vierge chrétienne que les romains envoyèrent au supplice, qu'il lut dans un livre qu'on lui remit au cours de sa première communion. Ce souvenir se mêla à celui des « Catacombes » des chrétiens envoyés aux lions, qu’il aperçut très jeune au musée Grévin.

Espérant un miracle à l'issue de sa communion, il n’en espère à présent plus. Il a cessé depuis de pratiquer et de croire.

Résumé du chapitre 4 : "Judith"

Le chapitre 4 de L'âge d'homme débute par un article sur Judith, héroïne Biblique, catin, qui lave dans le sang, par le meurtre du mâle, la souillure d’une action érotique, la honte de s’être prostituée. L’auteur discute de la mort et du deuil qu'il compare à l’acte sexuel. Si dans la mort on ne peut être témoin de ce qui arrivera par la suite, dans l’aventure sexuelle on l’est.

Il livre les réflexions que lui inspiraient Judith sur le suicide et sur le mode d’action magique des hommes qui réalisent exprès ce dont ils ont peur afin de s'en délivrer.

Leiris est touché par Judith, veuve puis meurtrière de l’homme avec qui elle « couch [a] ».

Chez ses parents figurait une gravure « détestable », d’un mauvais goût : « Le Lion Amoureux ». L'auteur fut hostile à son père pour ses goûts et son manque de sens artistique. Ce dernier, de profession boursier, méprisant son métier, se trompa quant à la destinée de ses enfants. Homme tout de même généreux, il aimait à embellir son intérieur de statues hideuses.

Ces faits lui rappelèrent l'histoire d’un homme qui détesta son père depuis le jour où il « péta ».

Tante Lise était une cousine par alliance, cantatrice flamande, venant parfois chanter aux soirées musicales organisées par le père de l’auteur.

Femme de théâtre, gentille et physiquement grasse, ses rôles en firent aux yeux de l’auteur une Judith.

Elle interpréta notamment : Carmen : Un rôle en rapport avec les courses de taureaux.

La Glu : Tante Lise dans le rôle de Marie-des-Anges; drame lyrique de Richepin.

Salomé : Sensation d’érotisme angoissant. Leiris avait déjà vu cette pièce plusieurs fois dont l'une avec une amie qu’il n’aimait plus. Il se punit de ce désamour en se mutilant nu aux ciseaux dans sa salle de bain.

Electre, Dalila et Floria Tosca : Elaktra reste pour l’auteur parmi les tragédies indissolublement liées au Racine de sa mère. Dans cette pièce Tante Lise interprétait le rôle d’une… cantatrice ! Le vaisseau fantôme.

Narcisse : Une pièce virile, cochonnerie de Xavier Leroux. L’auteur fut troublé par une discussion de deux hommes homosexuels à la sortie de la représentation, commentant le physique d'un des acteurs.

En conclusion, Tante Lise apparait comme une « mangeuse d’hommes ».

Résumé du chapitre 5 de L'âge d'homme : "La tête d'Holopherne"

Ce chapitre débute par un extrait de Cazotte, issu des Illuminés : « […] sous le mouvement d’une roue armée de fers tranchants qui séparent en un clin d’œil toutes les parties de notre corps les unes des autres […]».

L’auteur témoigne à nouveau de plusieurs souvenirs :

Le premier, à 7-8 ans, lors d’une leçon à l’école mixte où il était assis au côté d’une fillette, regardant avec elle sur le livre d’Histoire Sainte « le sacrifice d’Abraham.

Le second, des rêves d’animaux le dévorant (loup, cheval de fiacre...).

Ces souvenirs s’associent à des visions d’horreur, d’Hommes blessés ; l’auteur était en proie à des terreurs superstitieuses.

Gorge coupée : Devant aller au cirque avec ses parents, ces derniers lui tendirent un abominable guet-apens, le menant chez le chirurgien pour une douloureuse opération de retrait de végétations de la gorge. Un pénible souvenir où les adultes sont coupables. (Le médecin de famille : « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine »).

Sexe enflammé : Son sexe fut atteint d’une inflammation de la membrane muqueuse qui revêt le gland.

Ces premières érections lui rappelèrent ce mal. C'est pourquoi, enfant, il avait une vison néfaste et dangereuse de l’acte sexuel.

Pied blessé, fesse mordue, tête ouverte : Souvenir fantasmagorico-héroïco-napoléonien ou l’auteur-enfant, sur une chèvre, mimait la scène de « Napoléon blessé à Ratisbonne ». Il retrouvait ainsi, en dénudant son pied tout près du gravier la même sensation érotique que celle éprouvée lors de l’épisode des enfants grimpant pieds nus aux arbres.

Autre souvenir, celui de l’accident de vélo d’un jeune garçon boucher. Sa sœur se dévoua comme une « sainte » pour lui porter secours, passant ainsi de la catégorie des jeunes filles à celle des femmes.

Cauchemars : Dans la grande salle des fêtes du Palais du Trocadéro avait lieu parfois les réunions du cercle artistique dont faisait partie le père de Michel Leiris. Un lieu funeste, glacial, vieillot que l’auteur détestait et dont deux numéros firent particulièrement sa terreur : 

Le premier, correspondait à l’exhibition des « Secouristes français » et mettait en scène un vieillard y tombant en son milieu. Il y avait dans ce spectacle, l'attente angoissante de la chute. Leiris avait de manière générale une sensation de peur, de malaise et de pitié pour tout ce qui ce rapportait au domaine du « fait divers », appréhendant, dans ce qui était heureux, un malaise à venir.

Le second, une femme corpulente disant des vers tirés d’un poème intitulé Les Cauchemars. Elle était pour lui la personnification même du cauchemar.

Mon frère ennemi : Portrait du frère aîné, glouton, taquin (cf. appendicite au tire-bouchon), rageur, aux mœurs libertines de par son métier d’artiste (cf. le « portel »). Haï de ses frères cadets qui s'étaient ligués contre lui, il devient par la suite un bourgeois rangé.

Mon frère ami : brefs traits de caractère de l’auteur, peu turbulent, non batailleur, plutôt craintif et peu sportif.

Il s'entendait bien avec son second frère avec lequel il avait des tempéraments analogues (cf. sens dramatique de la vie...). Enfant, il lui accordait une grandeur quasi surhumaine de par la croyance crédule qu’il accorda à l’une de ses histoires : « Comment il avait gagné le Grand Prix de Paris au cerceau ».

L'auteur de L'âge d'homme retrace ses aventures au Havre, une ville maritime qu'il affectionne. Il nous livre une carte postale des bas-quartiers havrais et plus particulièrement du quai Southampton et de ses bars, dont le « Silver Dollar » que tenaient deux françaises.

Autres souvenirs maritimes, celui de son premier retour d’Angleterre et celui de son départ de Marseille pour l'Égypte qui témoignent de la plénitude déchirante du premier départ).

Par ces récits, l’auteur trouva ce chapitre de sa vie consacré à l’homme blessé plutôt confus et abstrait. Il en revient à présent « son frère ami ».

Le souvenir du Havre auquel son second frère est associé est celui d’une des premières traversées qu'ils firent en famille. Le brouillard les bloqua dans la ville normande. Les deux frères s’amusaient à s’identifier à des jockeys en déplacement y mêlant une histoire d’adultère. Dans une ambiance d’excitation et de tension, le second frère brisa accidentellement une fenêtre donnant sur la rue.

Point de suture : Ultime épisode, à 12 ans dans la cour de récréation, où il percuta en courant un camarade, se retrouvant projeté contre un mur, l’arcade sourcilière gauche fendue. Sous le choc, l'une de ses premières idées fut : « Comment pourrai-je aimer ».

L’idée d’avoir été en contact avec un tel danger l’enfla d’orgueil. Petit à petit, l’auteur acquit la connaissance théorique de l’amour. Il ne lui manquait plus que celle de la pratique.

Résumé du chapitre 6 : "Lucrèce et Judith"

Ce chapitre débute par un rêve que Leiris fit en 1928 (cf. le désert, mêlé aux bruits du vent et aux visions hommes barbus, des officiants d'un temple).

Enfant, les récits légendaires qu'il appréciait le plus étaient ceux des Romans de la Table Ronde, lus dans des livres pour enfants, marqués de chasteté et de pureté.

L’auteur aspire dans l'amour platonique à un peu vice.

Parmi les récits qui l'impressionnaient figurait la Disparition du Roi Arthur. Il identifiait sa vie à l’épisode de Merlin perdu dans la forêt de Brocéliande, tombé dans le piège de son propre enchantement.

Dans ces lectures juvéniles ressortait l’imaginaire d’une femme idéale, incarnée par la fée ou par Cléopâtre, à la fois « Judith » et « Lucrèce ».

L’évocation de Cléopâtre l’amène à nous exposer des « cartes postales » de son voyage en Egypte. La mort de Cléopâtre, femme autoritaire et aux mœurs relâchés, tuée par une morsure de serpent sur un sein, incarne, aux yeux de l’auteur, le sens profond du suicide, « devenir à la fois mâle et femelle, sujet et objet... ».

Selon Leiris, le geste meurtrier par lequel Judith et Lucrèce lavent, dans le sang, la souillure d’une action érotique, institue un lien entre ces deux figures, qui explique leur représentation nue, sans hiérarchie, suivant l'œuvre de Cranach. Il trouve dans ses souvenirs des « Judith » approximatives, de chair et d’os, qu'il ne peut évoquer qu'avec répugnance et peur, souvenirs féminins érotico-sexuels faits de frustrations profondes.

L’auteur revient sur une enfance faite de sensibilité et d’un goût des larmes joint à celui d’une certaine comédie. Il éprouvait après avoir versé quelques larmes un sentiment de calme, d’euphorie. Vers la puberté, il mêla à ses pleurs une certaine littérature : Verlaine, Edgar Poe, Zola (Nana), écrivant vers 14 ans poèmes et pensées.

Il a depuis perdu cette faculté des larmes. Si quelque femme l'attira dans la mesure où elle lui échappait, le paralysait, l'effrayait, il y eu aussi des « Lucrèces », véritables sœurs consolatrices. Mais si rêvant Judith il conquière Lucrèce, il en retire une telle sensation de faiblesse qu’il en est humilié ; il doit martyriser Lucrèce pour pouvoir l’aimer. 

Terreur et pitié, tendresse et angoisse restaient, pour l'auteur, toutes deux confuses.

Leiris conclut en nous livrant une anecdote exhibant son attachement au rapport entre peur et beauté : En 1920-1921, il se mit en colère suite à l’incompréhension par son père, de deux vers d’Apollinaire :

« Cette femme était si belle 

Qu’elle me faisait peur ».

Résumé du chapitre 7 : "Amours d'Holopherne"

Ce chapitre débute par la note d'un journal intime, réflexions sur une vie dont il redoute la mort et la souffrance.

L’auteur livre quelques pensées pour une femme au prénom anglais, à la fois Judith et Lucrèce, élevée au rang de Phèdre de par son coté racinien, avec qui il eut un semblant d’aventure durant quatre ans.

Kay : C’est ainsi qu’il la nommera. Elle était en instance de divorce quand ils se rencontrèrent.

C'était l’époque post 11-Novembre, celle des surprises-parties, où régnait une étonnante sensation de liberté, rythmée par le Jazz, qui apparut un an avant la fin de la guerre, sous des formes bien différentes.

Dans ses années post-Baccalauréat, l’auteur, en quête d'identité fréquentait deux amis :

Un camarade de lycée à demi Britannique surnommé l’« Homme-à-la-tête-d ’épingle » et une étudiante lesbienne, plus âgée, riche et déséquilibrée, surnommée la « Chouette ».

Tous trois inséparables fréquentaient les surprises-parties, menant une vie de noctambule, dansant le shimmy et succombant à la mode américaine, tout en demeurant chastes et pures. Un jour, cette confrérie de l’« excentricité », fascinée par la mort et le suicide, accueillit un aîné au physique grand et vulgaire, mobilisé à la fin de la guerre, et devenu rapidement le point noir de leur entente.

La fatigue les gagnait peu à peu.

Une nuit, Leiris rêva d’une femme brune, portrait de l’impératrice Eugénie. Dix jours plus tard, les trois amis se rendirent chez une amie de la Chouette, Kay, ou, sous l’émotion et la fatigue, L’auteur eut un accès de fièvre. L'étudiante expliqua ce malaise comme la conséquence d'un alcoolisme précoce. Un autre rendez-vous, plus gai, se tint chez Kay.

Le 7 août 1919, il la rejoignit seul.

Dès le premier jour de leur liaison, il se détacha de ses amis. Le second, il perdit sa virginité. Pendant huit jours, il triompha ; Kay avait comblé un vide sentimental.

Puis vint la lassitude, la satiété, le besoin de changement et l’idée de la mort. Il trouva refuge dans la poésie, cachant son désir de fuir, son désamour.

Kay le trouvait trop intellectuel. Lui, souffrait de la peur, de la timidité et de l’humiliation (cf. rackets, injures, attaques nocturnes …).

Effectuant son service militaire, l’auteur prit l’initiative d’épouser Kay. Les obligations lui y firent renoncer. Ce fut la mort de son père qui l'avait, contre ses désirs, poussé à demander la main de Kay.

Ils rompirent sur un projet de vacances, au sujet de nouveaux amis dont Kay était jalouse ; il lui avoua au Bois, qu’il ne l’aimait plus.

Le festin d’Holopherne : Son service militaire achevé, Leiris avait atteint l’« âge d’homme ». Il renonça à ses vagues études scientifiques pour se consacrer entièrement à la littérature, se réfugiant dans la poésie. Poète en révolte, il cherchait intérieurement à réaliser le même idéal de roideur que poétiquement. Son état physique témoignait de son état psychique (cf. fil de fer, ficelle au poignet, crâne rasé et raie au rasoir …).

Le goût des mots prenant le pas sur ses jouissances érotiques et sexuelles, il se satisfaisait de la seule amitié.

Les débuts de sa vie littéraire furent synonymes de pauvreté. 

Intégré dans le milieu des lettres, où A.M., un peintre, l'initia tel père spirituel, il y rencontra une jeune fille qui lui apparut comme l'incarnation, le reflet d’une figure d’Epinal qu’il cultivait en lui. Il resta froid, conventionnel et silencieux à son égard.

Il lui demanda sa main. Elle refusa ; l’auteur était comme fière de son échec car conforme à son état de poète.

L’auteur participa bientôt au mouvement littéraire moderne, traînant les endroits nègres, et restant chaste de par une « incurable déficience de [sa] volonté » et une « gène aux testicules ».

Dans l’un de ses rêves apparaissait un profil romain, tête d’Holopherne, à la fois « image même de [son] sommeille » et symbole de « la mort par décapitation ».

Un nouveau personnage bizarre, séminariste, rejoignit son cercle littéraire. Il acheva de lui faire perdre pied. Malgré une folie volontaire, il craignait de devenir véritablement fou !

Quelques temps plus tard, il partit en auto dans le midi avec la jeune fille à qui il demanda la main un an auparavant. Arrivés, ils se fiancèrent. Leiris rentrait ainsi dans « la norme », tel un garçon rangé.

Ils ne firent point l’amour avant leur mariage.

Résumé du chapitre 8 : "Le Radeau de la Méduse"

Ce dernier chapitre de L'âge d'homme de Michel Leiris débute par un article sur le « Radeau de la Méduse », œuvre de Géricault, représentant la délivrance d’un naufrage.

Suite à des comportements anormaux (cf. intention de se châtrer...), il débuta en novembre 1929 un traitement psychanalytique. Cette cure d’un an n'était autre, dans ses premiers, qu’un couteau dans la plaie.

Devenu pratiquement fou, il décida sur conseil de son médecin, d'effectuer un voyage de deux ans en Afrique, comme membre d’une mission d’ethnographe. A Gondar, il tomba amoureux d’une Ethiopienne syphilique correspondant à son double idéal de Judith et de Lucrèce.

Il revint en 1933 en ayant tué le mythe du voyage en tant que moyen d’évasion.

L’auteur allait mieux.

Selon lui, le monde manquerait du « pourquoi je serais capable de mourir ».

Peu à peu, il comprit que la figure de Judith signifiait pour lui la castration et que sa recherche obstinée du châtiment n'était autre que le fruit de son éducation catholique.

Ce semblant de calme toucha promptement à sa fin, laissant place à un nouvel enfer, marqué par le rêve d’« émancipation » (cf. A.M. lui jetant des pierres et l’assommant, il se réveilla en hurlant à la fois de plaisir et d’angoisse).

Deux autres songes, « La femme Turban » et « L’Ombilic saignant », furent en lien avec ces événements, dernières apparitions de Lucrèce et de Judith.

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