La poésie est avant tout un travail sur le langage, considéré comme producteur de son avant même d’être producteur de sens. Le texte poétique se définit d’abord comme une musique. Traditionnellement, cette musique est codifiée : ce sont les rythmes, les mesures, les accents, les répétitions organisés par la versification. Mais même plus libre, le poème contemporain est encore recherche de son. Le travail sur le sens, lui, doit jouer des ressources inattendues du langage : images, figures de style, expansions du nom, qui contribuent à susciter chez le lecteur cette émotion particulière qu’on appelle, faute de pouvoir la cerner plus rationnellement, l’émotion poétique. Le langage atteint alors une dimension magique de création d’un univers : en grec, poiein signifie « fabriquer », créer. Le poète est créateur, mais le lecteur aussi, car la densité du texte poétique, de ses connotations, est rebelle à toute fixation définitive du sens.