Le néologisme de surréalisme est créé en 1917 par Guillaume Apollinaire (1880-1918), qui qualifie sa pièce Les Mamelles de Tirésias de « drame surréaliste ». Le surréalisme vise à dépasser la réalité, c’est-à-dire la représentation du monde par la raison, à la recherche d’un au-delà dissimulé dans les ténèbres de l’inconscient. « L’au-delà, tout l’au-delà est dans cette vie » écrit André Breton.

I. Les origines du surréalisme :

1. La Grande Guerre

La Grande Guerre et son cortège d’horreurs accusent la faillite d’un rationalisme qui promettait un progrès constant à l’humanité. C’est au nom de la Raison, la « raison d’État », que des centaines de milliers de Français sont tombés dans les tranchées. Voilà l’analyse, doublée d’une contestation sociale de la bourgeoisie, jugée seule responsable de la guerre, à laquelle se livrent les surréalistes. On serait tenté de rapprocher cet élan d’antirationalisme des mouvements baroque, après - les guerres de Religion, et romantique, après la Révolution : la souffrance et la mort ne trouvent guère de réconfort dans les explications de la raison, et ses partisans sont toujours affaiblis lors des grandes commotions de l’Histoire.

2. Le dadaïsme

Ce mouvement est créé à Zurich par Tristan Tzara dès 1916. Un mot est tiré au hasard dans le dictionnaire : dada. On le voit, « dada ne signifie rien », comme le confirme Tzara. Il se définit simplement comme un rejet du rationalisme et de la bourgeoisie. Les dadaïstes, au nombre desquels figurent André Breton, Paul Eluard ou Louis Aragon, multiplient les manifestations provocantes et appellent art tout objet détourné de sa fonction utilitaire.

II. Les principes du surréalisme :

1. L’exploration de l’inconscient

Lassé de la stérilité du dadaïsme, André Breton (1896-1966) compose en 1924 un Manifeste du surréalisme. Très influencé par la psychanalyse, ce mouvement se propose de libérer la pensée du contrôle inhibant de la raison et de permettre l’exploration de l’inconscient, dont Freud a souligné les similitudes de fonctionnement avec la poésie. L’inconscient procède en effet, explique Freud, par substitutions symboliques, métaphoriques ou métonymiques. Il découvre donc des relations entre les choses que la raison est incapable de déceler. La continuité avec le romantisme Fiche h et le symbolisme Fiche 8 est avouée, et Breton se réclame de Baudelaire, de Rimbaud et de Lautréamont.

2. Les méthodes du surréalisme

Pour parvenir à cette exploration de l’inconscient, les surréalistes se livrent à certaines pratiques, comme l’écriture automatique, qui consiste à écrire tout ce qui passe par la tête, sans chercher à faire intervenir la raison, les cadavres exquis, où plusieurs personnes composent un texte sans savoir ce que les autres écrivent, les récits de rêves, les jeux typographiques, jusqu’aux simulations d’états démentiels...

3. L’inspiration amoureuse

Sentiment du mystère et de l’irrationnel, l’amour devient une source d’inspiration privilégiée du surréalisme. La rencontre de Breton avec Nadja (Nadja, 1928), qui finit internée dans un hôpital psychiatrique, celle de Paul Eluard avec Nusch (Capitale de la douleur, 1926), morte brûlée vive dans un accident de train (Le temps déborde, 1947), ou celle d’Aragon avec EIsa Triolet (Les Yeux d’Elsa, 1942), inspirent aux surréalistes leurs accents les plus émouvants.

4. L’engagement politique

Dès ses débuts, le surréalisme, qui se pose comme une révolution esthétique et morale, affiche des sympathies marquées pour le marxisme. Breton, Aragon et Eluard adhèrent au parti communiste; mais le fondateur du surréalisme est conscient de l’incompatibilité entre la dialectique marxiste, fondée sur l’exercice de la raison, et les exigences de liberté de son mouvement. li s’ensuit une rupture les partisans du modèle stalinien, comme Louis Aragon (1897-1982), quittent le surréalisme ou en sont exclus comme Paul Eluard (1895-1952) en 1938. Inversement, d’autres artistes accusent le mouvement de s’être trop politisé, c’est le cas de Robert Desnos (1900-1945), qui s’éloigne lui aussi d’André Breton. Affaibli par ses divisions, le mouvement surréaliste est moribond lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Son influence continuera néanmoins de marquer l’art et la littérature d’après-guerre, notamment à travers la littérature de l’absurde.