Le discours rapporté est un type de discours par lequel on « rapporte » les paroles ou les pensées d’un personnage-émetteur que le narrateur met en scène, en quelque sorte.

Le discours peut être rapporté de différentes façons, comme on peut le voir ci-après.

1. Le discours direct (ou style direct)

Il rapporte les paroles telles qu’elles ont été prononcées, sans aucune interférence. Il est souvent annoncé par un verbe d’énonciation du type dire ou penser, précédé d’un deux-points ou d’un tiret de dialogue, encadré par des guillemets ou accompagné d’une incise. On l’insère par juxtaposition. 

Exemples de discours direct :

– La voisine dit à la mère : « Ne t’inquiète pas, ton fils rentrera bientôt ! » (verbe d’énonciation)
– « Ne t’inquiète pas, ton fils rentrera bientôt ! » dit-elle à la mère. (incise)

 

 

Effets de sens possibles

• Permet au narrateur de rendre compte des propos d’autrui et de les rapporter sans les endosser.

• Permet de relayer l’information en toute neutralité et de créer l’illusion de l’objectivité.

• Restitue les propos dans leur spontanéité et en conserve toute la portée.

• Donne un effet d’authenticité.

• Rend une situation plus vivante, plus spontanée, plus dramatique.

• Fait entrer le lecteur dans l’intimité des personnages.

• Multiplie les points de vue sur les événements du récit. 

Extrait

Exemple de rédaction

 

« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.

— Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté Ne se mette pas en colère ;

Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant [...] »

Jean de La Fontaine, « Le Loup et l’Agneau », Fables, 1668. 

 

Dans la fable « Le Loup et l’Agneau », La Fontaine choisit le style direct pour représenter l’échange entre le loup et l’agneau. Ce choix, qui laisse croire à des propos spontanés, sert aussi et surtout à révéler, sous le couvert de la neutralité, la nature accusatrice et cruelle du loup et à l’opposer à celle, toute timide, de l’agneau qui se défend.

 

 

2. Le discours indirect (ou style indirect)

Il consiste, pour l’émetteur, à reformuler les propos d’un personnage dans ses propres mots, ce qui lui permet de prendre à son compte les paroles rapportées. On le reconnaît à la présence d’une phrase subordonnée, précédée d’un verbe d’énonciation.

Exemples de discours indirect

(transformation des exemples précédents et de l’extrait de la fable de La Fontaine en style indirect) :

− La voisine dit à la mère qu’elle ne doit pas s’inquiéter, car son fils rentrera bientôt.

− Le Loup, plein de rage, demande à l’Agneau ce qui le rend si hardi de troubler son breuvage et lui dit qu’il sera châtié de sa témérité. L’Agneau répond qu’il ne faut pas qu’il se mette en colère [...].

 

Effets de sens possibles

• Permet au narrateur de souligner son adhésion partielle aux propos de l’émetteur.

• Peut aussi, au contraire, suggérer la désapprobation, le doute ou simplement la prudence, afin d’amener le lecteur à douter de la véracité des propos rapportés.

• Augmente la part de subjectivité du discours, car l’émetteur peut résumer les propos rapportés, les reformuler, voire les transformer. 

Extrait

Exemple de rédaction

 

Une Mouche survient, et des Chevaux s’approche ;

Prétend les animer par son bourdonnement ;

Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment

Qu’elle fait aller la machine [ici le coche]. »

Jean de La Fontaine, « Le Coche et la Mouche », Fables, 1678. 

 

Dans cette fable de La Fontaine, la toute première « pensée » de la mouche, aux vers 8 et 9, est rapportée en style indirect (« Une Mouche [...] pense à tout moment / Qu’elle fait aller la machine »). Le conteur se distancie donc des pensées de la mouche, et l’on voit, à la teneur de ses propos, qu’il jette le discrédit sur la perception que la mouche a d’elle-même.

 

 

3. Le discours indirect libre

Il emprunte au style direct son absence de subordination, ses types de phrases exclamatives (!) ou interrogatives (?) et ses marques d’expressivité orale ou de subjectivité. Du style indirect, il reprend l’absence de tiret ou de guillemets devant les paroles, ainsi que le recours aux mêmes pronoms et aux mêmes temps de verbes (en respectant toutefois la concordance des temps). Il représente la transcription des paroles prononcées, dites ou pensées, mais sans les marques du discours citant. Comme les voix du narrateur et du personnage s’enchevêtrent, il est souvent difficile de savoir qui parle.

Exemples de discours indirect libre

(transformation des exemples précédents en style indirect libre) :

− Plus le choix : il faut la rassurer ! Le retour de son fils est imminent !
− Qu’est-ce qui rend l’Agneau si hardi ? Il trouble son breuvage ! Il sera châtié de sa témérité ! L’Agneau tremble. Il ne faut pas que le Loup se mette en colère !

 

Effets de sens possibles

• Exprime un point de vue subjectif sur une réalité, et est même l’instrument linguistique privilégié pour le faire.

• Favorise la fluidité du récit et met en valeur la polyphonie (multiplicité des voix dans le récit), ce qui rend le texte plus léger que ne le ferait le discours indirect.

• Atténue la spontanéité parfois un peu brutale du discours direct.

• Permet à l’émetteur premier de pénétrer intimement dans la conscience du personnage dont il rapporte les paroles et de s’en faire l’interprète discret et objectif. 

Extrait

Exemple de rédaction

 

« Il met bas son fagot, il songe à son malheur. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? » Jean de La Fontaine, « La Mort et le Bûcheron », Fables, 1668.

 

 

 

Dans ce passage de « La Mort et le Bûcheron »,

La Fontaine évoque, par introspection, l’évolution de la vie du pauvre vieillard. L’utilisation du style indirect libre permet de pénétrer intimement dans la conscience du bûcheron et de rendre ainsi plus pathétique et plus attendrissante l’expression de son désarroi. 

 

4. Le monologue intérieur

Il est appelé aussi discours immédiat, est très proche du discours indirect libre : le personnage y exprime pour lui-même et en lui-même sa pensée la plus intime et la plus spontanée. Toute intervention du narrateur s’efface donc au prot d’une plongée directe dans la conscience du personnage. Contrairement au discours indirect libre, narré à la 3e personne, le monologue intérieur se fait nécessairement à la 1ère personne.

Exemples de monologue intérieur

(transformation des exemples précédents en monologue intérieur) :

− Pauvre femme ! Voir son fils disparaître ! Quelle inquiétude pour une mère ! Je ne voudrais jamais vivre ça ! − De quel droit vient-il troubler mon breuvage ! Je vais lui faire payer sa témérité ! Il peut bien trembler comme une feuille.

 

 

Effets de sens possibles

• Produit à peu près les mêmes effets que le discours indirect libre.

• Donne au discours l’impression d’une fluidité encore plus incontrôlée.

• Produit des effets différents selon les auteurs qui l’utilisent et les courants littéraires auxquels il est rattaché : renforce l’effet de réalisme dans les œuvres réalistes et naturalistes, ou constitue au contraire une forme de contestation dans le Nouveau Roman, par l’atténuation du pouvoir d’un narrateur trop puissant. 

Extrait

Exemple de rédaction

 

« Partir. Mais je ne puis pas quitter tout cela sans avoir vu clair. J’émerge de ma stupeur enn, je cesse de vivre au ralenti, mais tout se confond, se mêle. Arrêtez le kaléidoscope. Je veux voir les images une à une, leur donner un sens. [...] La médiocrité. Peut-être. Mais le bonheur peut-il avoir une autre qualité que celle-là ? Oh ! Madeleine, que ne sommes-nous demeurés médiocres, loin l’un de l’autre dans le même lit sans le savoir ! [...] Je resterai. Je resterai, contre toute la ville. Je les forcerai à m’aimer. »

André Langevin, Poussière sur la ville, 19533. 

 

Le monologue intérieur d’Alain Dubois, le narrateur, permet au lecteur de s’insinuer dans la conscience du personnage et d’être le témoin immédiat et privilégié de l’émergence d’une toute nouvelle lucidité face au drame qu’il a vécu.

 

 

5. Le discours narrativisé

C'est le type de discours qui est le moins fidèle aux paroles réellement prononcées, puisqu’il n’en garde que le sens général en le résumant parfois à quelques mots.

Exemples de discours narrativisé

(transformation des exemples précédents en discours narrativisé) :

− On parla de cette disparition inquiétante.
− Le Loup menace de punir l’Agneau de sa témérité. L’Agneau plaide sa cause.

 

Effets de sens possibles

• Crée une très grande distanciation entre le narrateur et les propos que celui-ci rapporte, puisqu’il ne prend à son compte que ce qu’il juge bon et qu’il le fait généralement avec une intention particulièrement subjective.

• Augmente dans certains cas l’effet dramatique du propos. 

Extrait

Exemple de rédaction

 

« Parce qu’elle l’interrompait, il pensa qu’elle avait hâte de le voir partir. Il y eut encore entre eux, pendant la retraite de Chéri, quelques paroles. »

Colette, La Fin de Chéri, 1926. 

 

C’est par le dialogue narrativisé suivant que Colette choisit de souligner la détresse et la froideur qui préside lors de la séparation des deux amants:
« Il y eut encore entre eux [...] quelques paroles. »