Le registre lyrique fait entendre une voix qui livre des émotions. Le Langage se fait musical pour exprimer des sentiments personnels et Les faire partager. Souvent présent dans Le discours amoureux, il prédomine dans Les textes poétiques mais peut se rencontrer dans tous Les genres Littéraires.

Exemples de textes lyriques

Exemple 1 : un poème lyrique  

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, 

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu

C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,

Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,

Bateaux chargés du ciel et de la mer,

Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores

Qui gît toujours sur la paille des astres,

Comme le jour dépend de l’innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Eluard, Capitale de la douleur, © éd. Gallimard, 1926.

Questions

  1. Repérez les marques de la 1ère et de La 2e personne (pronoms personnels et adjectifs possessifs). Com­ment se répartissent-elles tout au long du poème? Quel sentiment traduisent-elles?
  2. Comment la phrase des vers 6-15 est-elle construite ? Quel est l’effet ainsi créé ?
  3. Relevez les mots et les images de la rondeur. Quelles impressions sont associées à ce champ lexical?
  4. Quel rapport y a-t-il dans ce poème entre l'image de la femme aimée et le thème de la nature?

Exemple 2 : Texte lyrique en prose 

En 1806, Chateaubriand découvre le site de Sparte, cité grecque de l'Antiquité rendue célèbre en particulier par son roi Léonidas, mort héroïquement en combattant les Perses (480 av. J.-C.).

Sparte était donc sous mes yeux; et son théâtre, que j’avais eu le bonheur de découvrir en arrivant, me donnait sur-le-champ les positions des quar­tiers et des monuments. Je mis pied à terre, et je montai en courant sur la colline de la citadelle.

Comme j’arrivais à son sommet, le soleil se levait derrière les monts Ménélaïons. Quel beau spectacle ! mais qu’il était triste ! L’Eurotas coulant solitaire sous les débris du pont Babyx[1]; des ruines de toutes parts, et pas un homme parmi ces ruines ! Je restai immobile, dans une espèce de stupeur, à contem­pler cette scène. Un mélange d’admiration et de douleur arrêtait mes pas et ma pensée; le silence était profond autour de moi: je voulus du moins faire parler l’écho dans des lieux où la voix humaine ne se faisait plus entendre, et je criai de toute ma force: Léonidas! Aucune ruine ne répéta ce grand nom, et Sparte même sembla l’avoir oublié.

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811.

1.Nom d’un pont sur l’Eurotas, le petit fleuve qui coule à Sparte.

Questions

  1. Comment la présence physique du Je se manifeste-t-elle, à chaque étape du récit?
  2. Quels sont les sentiments qui se succèdent ou qui se mêlent chez l'auteur, au moment où il vit cette scène?
  3. Quelles phrases, selon vous, font le mieux revivre au présent l'émotion ressentie dans le passé? Pourquoi?
  4. Quels mots, quels procédés font partager au lecteur l'impression que le moment de cette contemplation est un moment solennel?

Comparer l'expression du lyrisme dans les deux textes : 

1. À quels genres respectifs ces deux textes appartiennent-ils? À quels indices les reconnaît-on? Par quels aspects la prose du texte 2 peut-elle être qualifiée de «poétique»?

2. Ces deux textes diffèrent aussi l'un de l'autre par leurs thèmes, et par les temps employés. Précisez ces différences.

3. Les deux textes visent à exprimer l'intensité d'une émotion personnelle et à créer une relation de confidence avec le lecteur. À cette fin, ils ont certains procédés en commun. Lesquels?

RETENIR

I-    L’émotion lyrique

Le registre lyrique est le langage de la sensibilité. Le Moi y exprime le fond de son cœur. Le ton peut être celui de la passion, exalté et violent, ou celui de la confidence, plus secret e: méditatif.

1-L'expression du Moi

Le lyrisme met au premier plan la subjectivité de la personne qui s'exprime. Le Moi est omni­présent. Celui ou celle qui dit «je» formule ses joies ou ses peines, et les donne à partager.

Le langage est expressif: interjections, exclamations, interrogations, lexique affectif, etc. Il traduit ainsi des sentiments, des états affectifs, et touche la sensibilité du lecteur.

2- L’invocation d’un destinataire

À qui, à quoi l'énoncé lyrique s'adresse-t-il?

  •  Le locuteur peut se prendre lui-même comme destinataire: il s'adresse à son âme, à son cœur, à lui-même.
  • Ou bien il interpelle l'être aimé, et crée une sorte de dialogue fictif.

« Le monde entier dépend de tes yeux purs » (Eluard)

  • Ou bien il confie ses souffrances ou ses peines au lecteur.
  • Ou bien il prend Dieu ou l'humanité à témoin de son destin, à travers une supplique, une invocation ou une prière.
  • Ou encore il prend à témoin un sentiment ou une vertu:

« Ah ! traître Amour, donne-moi paix ou trêve... » (Ronsard)

3-Les thèmes lyriques

Le registre lyrique accompagne plusieurs grands thèmes, qui peuvent s'associer: l'amour, la fuite du temps, la peur de la mort, la nostalgie du pays natal, l'espérance collective, la beauté de la nature, le sentiment religieux...

II- Diversité des textes lyriques

Dans quels textes, dans quels genres rencontre-t-on Le registre lyrique?

 Dans les poèmes

On le rencontre d'abord dans la poésie expressive qui expose des sentiments personnels.

Il arrive aussi que l'individualité du locuteur reste en retrait, au profit d'un lyrisme cosmique qui célèbre la splendeur de l'univers.

« C’étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde... » (Saint-John Perse)

 Au théâtre

L'expression lyrique des passions est fréquente chez les personnages des tragédies classiques (Racine) ou des drames romantiques (Hugo).

Dans la prose narrative

Certains récits de fiction (nouvelles, romans) peuvent être portés par un souffle lyrique, créé par le rythme des phrases.

Les romans laissent place au lyrisme, en particulier, lorsqu'ils donnent la parole à des person­nages qui expriment leurs sentiments au discours direct (dialogues, lettres).

Les récits autobiographiques sont propices à l'expression lyrique de l'émotion à la première personne (Rousseau, Chateaubriand...).

 Dans la prose argumentative

Dans les discours prononcés devant un auditoire, le lyrisme introduit souvent une dimension affective (Sermons de Bossuet, discours politiques de Victor Hugo...). L'argumentation gagne ainsi en intensité. On parle alors de lyrisme oratoire.

III-Les procédés de l’écriture lyrique

  Le lexique

Les champs lexicaux les plus fréquents sont ceux qui renvoient à la psychologie et à l'affectivité (amour, joie, tristesse...).

  La syntaxe

Les phrases exclamatives et interrogatives traduisent l'intensité des sentiments, parfois contradictoires, qu'éprouve le locuteur.

Le temps dominant est le présent de l'indicatif, car le lyrisme reflète les joies ou les malheurs du locuteur au moment où il écrit. Les temps du passé peuvent toutefois servir à traduire la mélancolie ou le regret, ou à rappeler des sentiments anciens.

  Le rythme et les sonorités

Le rythme peut donner aux phrases l'allure d'un élan, d'un souffle, d'une envolée qui exprime les mouvements de l'âme.

« Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie! » (Chateaubriand)

 La musicalité des phrases tient aussi aux sonorités (assonances, allitérations).

« [...] Sparte même sembla l’avoir oublié. » (Chateaubriand)

 Les figures de style

Le discours lyrique utilise en particulier:

  • les figures d'insistance (hyperboles, anaphores...), qui traduisent l'intensité de l'émotion;
  • les apostrophes, qui interpellent le destinataire;
  • les images (métaphores, comparaisons...), qui portent la marque d'une sensibilité.

« Il avait neigé puis gelé pendant la nuit. Tout le pays était cristallin comme du beau verre. On entendait marcher la chaleur légère du soleil. » (Giono)

 L’énonciation

Le discours lyrique utilise le plus souvent la première et la deuxième personne. Il est généra­lement ancré dans la situation d'énonciation (indices de temps et de lieu).

Le lyrisme dans l'histoire

Dans l'Antiquité, les premiers textes lyriques datent du VIIe siècle av. J.-C. en Grèce: c'étaient des poèmes chantés, accompagnés de la lyre, instrument utilisé par Orphée selon la mythologie. Le lyrisme se défi­nit donc d'abord comme une relation privilégiée entre texte et musique. Dans la littérature gréco-latine, il correspond à un genre précis, l'ode, distinct de la poésie dramatique (le théâtre) et de l'épopée.

Au Moyen Age, les poèmes des troubadours étaient chantés avec un accompagnement musical. Le lyrisme correspond alors à l'émergence de la poésie courtoise, qui chante les joies et les douleurs de l'amant.

Au XVe siècle, la poésie lyrique évolue et se codifie, s'adaptant à des formes strictes (ballades, rondeaux). Elle s'éloigne de la poésie populaire.

Au XVIe siècle, les poètes de la Pléiade associent l'inspiration lyrique à la forme du sonnet.

Au XIXe siècle, les poètes romantiques (Lamartine, Musset, Hugo...) expriment leurs sentiments intimes en se dégageant des contraintes formelles. On retrouve le lyrisme dans l'autobiographie (Chateaubriand) et le drame romantique (Hugo), ou dans d'autres arts comme l'opéra (appelé aussi «art lyrique»).